Après avoir participé et assisté à quasiment l’intégralité des évènements de la Série hommage, comment se sent le principal intéressé? C’est pour répondre à cette question et bien d’autres que Laurence, notre blogueuse, s’est entretenue par téléphone avec Denis Gougeon, encore ému d’avoir assisté le matin-même à une interprétation d’une de ses œuvres en langage des signes. Ce fut l’occasion de nous expliquer ce qu’il retiendra de cette mise à l’honneur:
Une intensive mise en lumière
Tout en étant moins visible du public, le métier de compositeur nécessite de rencontrer très régulièrement interprètes et chefs d’orchestres. Denis Gougeon est un compositeur prolifique qui a donc l’habitude de telles interactions. Ce qui, pour lui, a fait sortir cette année de l’ordinaire est surtout la concentration en une cinquantaine d’évènements qui ont entrainé de considérables relations sociales. Une telle concentration, qui lui a donné plus d’une fois l’impression d’être une égérie de musique rock, peut devenir très éprouvante physiquement et moralement. Physiquement, il a pu être parfois difficile de demeurer disponible et réactif, particulièrement lorsque, dans une même semaine, jusqu’à cinq concerts et leurs répétitions sont programmés. Moralement, il a fallu apprendre à recevoir un «tsunami d’affection». Entre les concerts et les rencontres dans les écoles, la saison écoulée a été extrêmement enrichissante; Denis Gougeon s’est senti véritablement nourri par toute l’attention reçue. Il est touché par le fait qu’autant d’interprètes ont choisi de programmer ses pièces et reconnaissant d’avoir ainsi pu s’insérer dans leurs parcours.
La redécouverte de certaines pièces
S’il n’a pas été surpris par les multiples interprétations de ses œuvres, ayant pleinement confiance en leurs interprètes et certaines étant régulièrement jouées, Denis Gougeon a particulièrement apprécié d’avoir eu l’opportunité d’entendre Violoncelle-Pluton, pièce moins jouée de son Six thèmes solaires. Écouter les interprétations de plusieurs artistes formidables dont Gabriel Prynn et Isabelle Bozzini lui a donné l’impression de réapprendre à aimer cette pièce. Ce fut ainsi un grand bonheur de la redécouvrir en travaillant très étroitement avec les interprètes.
Denis Gougeon a également apprécié d’entendre la diversité des interprétations de certaines œuvres:
Une année de composition intensive
Cette saison a constitué pour Denis Gougeon un véritable marathon de composition qui a débuté avec Voler comme un oiseau pour les élèves du primaire puis En Harmonie pour le concours du CMC à rendre mi-août pour que Louise Bessette ait le temps d’enregistrer la vidéo:
Après avoir terminé Voler comme un oiseau, Denis Gougeon s’est aussitôt rapproché de la Fédération des associations de musiciens éducateurs du Québec (FAMEQ) pour connaître l’instrumentation de l’œuvre commandée afin de s’atteler rapidement à la composition de Chant de l’Amitié. La majeure partie de l’été a ensuite été consacrée à la composition de Andante Sostunento pour 2 pianos que Brigitte Poulin et Jean Marchand ont créé lors du concert Alter Face du 8 décembre suivant. Il a alors été temps de travailler sur l’arrangement de Pulau Dewata de Claude Vivier, toujours pour le concert Alter Face. Puis l’automne est arrivé avec la reprise de l’enseignement à concilier avec la composition de Ballade opus 30 commandé par I Musici. Après s’être assuré que l’œuvre serait programmée le plus tard possible par I Musici, Denis Gougeon s’est fixé son propre échéancier : il lui était nécessaire de rendre son travail au plus tard mi-mars et idéalement en février afin de permettre à la copiste de réaliser les partitions de chaque instrument et d’assurer une période raisonnable de répétition aux interprètes.
Conscient de sa capacité de travail, c’est en connaissance de cause que Denis Gougeon a accepté ces nombreux engagements. Il savait qu’une organisation rigoureuse serait nécessaire pour correctement gérer son temps de création selon les spécificités de chaque demande (durée de l’œuvre, instruments, etc…) même si ce serait au détriment de ses vacances.
Un bilan provisoire de carrière
Dans un sens, la Série hommage a permis à Denis Gougeon de constater le chemin parcouru depuis ses débuts. Outre la joie de constater que toutes les œuvres jouées continuent de l’être, la concentration des évènements en quelques mois lui a permis de se rendre compte du chemin que chaque pièce a parcouru. Certaines sont jouées plus souvent que d’autres. Piano-Soleil, par exemple, est joué et enseigné très souvent et un peu partout. Un peu comme une comète, certaines pièces sont vites appréciées. D’autres plus difficiles et parfois plus coûteuses à monter, du fait de leur instrumentation, sont moins connues et moins jouées. Il demeure que la Série hommage a permis à Denis Gougeon de se rendre compte du large éventail de ses créations allant des œuvres pour musique vocale à celles pour orchestre en passant par les pièces pour pianos, celles pour cordes ainsi que les percussions. Sa diversité s’est également révélée par la variété de ses interprètes qu’il s’agisse d’orchestres symphoniques ou de chambre professionnels, de cantatrices, d’ensembles contemporains, d’ensembles de la relève et mêmes d’élèves du primaire et une compagnie de théâtre. Une telle diversité de création est assez rare et ce fut extraordinairement gratifiant de constater le plaisir des interprètes qui avaient le sentiment de «piger dans un gros sac de bonbons».
Les projets à venir
Aussi intense et passionnante que fut la Série hommage, ce n’est en aucun cas un signe de la fin des carrières de Denis Gougeon qui n’a pas l’intention de cesser ses nombreuses activités. Même s’il a prévu quelques semaines de repos bien méritées, les années à venir s’annoncent passionnantes pour le compositeur avec une commande des Violons du Roy pour l’année prochaine et toujours l’espoir de créer un opéra si le bon sujet se présentait. S’il ne fait pas de doute que sa carrière d’enseignant se terminera dans quelques années, il pourra toujours continuer à composer. En attendant, tant qu’il le peut, il compte bien profiter au maximum des bénéfices d’allier enseignement et composition:
Des suggestions pour le prochain compositeur à l’honneur
Après une année d’hommage, Denis Gougeon peut affirmer que pour vivre la Série hommage, la forme physique est essentielle afin de toujours être disponible durant cette course de longue haleine. Idéalement, s’il s’agit d’un(e) enseignant(e), une année sabbatique devrait être envisagée pour répondre aux exigences d’un tel engagement. Cependant, la Série hommage étant un formidable outil de promotion de la musique contemporaine auprès du public, il doit admettre qu’il n’a lui-même pu se résoudre à renoncer à ses activités ni suivre les conseils de son prédécesseur, Ana Sokolovic:
Et vous, après une saison d’hommage, dans le «sac de bonbons» si généreusement offert par Denis Gougeon, quelle est votre confiserie préférée?